mardi 22 janvier 2013

Du développement urbain.

Aujourd'hui, je vais arrêter de me préoccuper de ma petite personne et essayer de vous écrire un article un peu plus vaste. Après plus d'une semaine de stage (où d'ailleurs je ne fais que manger des biscuits et boire des chaï toute la journée) dont deux jours sur le terrain, disons que j'ai quelques petits trucs à raconter. Le bureau est à 5 minutes de rickshaw et à peine 20 minutes de marche de chez moi, ce qui me permet de quitter l'appart vers 10h15 donc au moins je garde mes bonnes habitudes (grasse mat). Par contre, pour aller sur le terrain, c'est une autre affaire. Une heure de métro, deux changements puis 10 minutes de moto. C'est Delhi. Cette ville est si vaste, on en prend la mesure quand on essaye de se déplacer d'un point à un autre. Mais cela arrive rarement, même pour les locaux eux-même. Les transports publics sont de si piètre qualité que la vie des habitants se concentre généralement autour d'un même lieu et la ville ne s'offre pas à eux de la même manière que, par exemple, Paris s'offre aux parisiens. Delhi est une ville enclavée où chaque quartier tend à se suffire à lui-même. 

Tout le travail de l'ONG avec laquelle je fais mon stage repose sur un gigantesque travail cartographique. La totalité des bidonvilles de Delhi ont été reportés sur une carte de la ville. Cette carte est ensuite détaillée en "wards" qui sont les plus petites entités administratives de la ville (plusieurs centaines), et enfin des cartes sont crées à l'échelle des bidonvilles. Par exemple, pour un des projets sur lesquels je travaille, on se concentre sur deux wards dont l'un contient cinq bidonvilles, et l'autre trois. Des cartes ont donc été crées avec l'aide des habitants (pour les impliquer dans le processus) pour chacun des bidonvilles, reportant les complexes sanitaires, les parcs, les maisons, les temples, etc. Ce sont des cartes purement objectives. Ensuite l'ONG continue son travail participatif avec les communautés impliquées pour réaliser des cartes subjectives délivrant des informations précises, comme par exemple les endroits où les habitants ont l'habitude de jeter leurs ordures ou quelles maisons participent ou ne participent pas au ramassage des déchets à domicile. Ces cartes sont d'abord réalisées à la main sur le terrain puis elles sont reportées sur des logiciels cartographiques qui permettent d'analyser les données. En gros, le travail cartographique est un élément central dans le fonctionnement des différents projets de l'ONG puisqu'il permet 1) de mettre en place une approche participative et éducative sur le terrain (le plus important étant d'avoir les communautés impliquées dans le déroulement d'un projet) et 2) de mettre en place un plan d'action à partir de l'analyse des données récoltées sur le terrain grâce à la participation des communautés.

Evidemment, c'est un long processus. Par exemple, un des projets sur lesquels je travaille a commencé il y a 8 mois et seulement maintenant on commence à penser à un plan d'attaque. Seulement maintenant car cela a pris 8 mois de convaincre les communautés concernées qu'un plan d'amélioration sanitaire et hygiénique du bidonville est essentiel pour elles, de comprendre et identifier les priorités, leurs besoins, les objectifs, etc, et de référer de tout cela au niveau du gouvernement (par exemple, rassembler les habitants en "associations" afin qu'ils aient un poids légal ou convaincre la ville de transférer la gestion des complexes sanitaires aux communautés). Il faut également ajouter à cela un travail éducatif (par exemple, comment utiliser les toilettes pour qu'elles restent propres et en bon état ? Jeter un seau d'eau sur ses exréments ou mettre ses serviettes hygiéniques dans une poubelle constitue déjà une étape !) réalisé d'abord par l'ONG puis par les habitants les plus impliqués.
Le but final de tout cela est d'avoir les conditions de vie des habitants de ces bidonvilles considérablement améliorées (le but ultime étant évidemment de ne plus considérer ces zones d'habitations comme des bidonvilles) et d'avoir les communautés convaincues et engagées dans le processus pour qu'à terme, une fois que l'ONG se retirera, elles aient acquis des habitudes et soient capables d'entretenir elles-mêmes leur environnement.

Voilà pour des détails "pratiques". Si cela vous intéresse je pourrais peut-être essayer d'écrire un article un peu plus concret pour vous raconter ce que je vois sur le terrain par exemple, comment on vit dans un bidonville, est-ce qu'ils travaillent, est-ce qu'on est bien reçu en tant qu'ONG, ce genre de choses.

Sinon, vous savez quoi ? Ces deux premières semaines à Delhi ont été TELLEMENT différentes de mes deux premières premières semaines, il y a deux ans et demi. Je me sens déjà à la maison et je retrouve la même... affection que j'avais déjà ressenti pour cette ville. Mais c'est toujours aussi incompréhensible !

4 commentaires:

  1. C'est un travail de longue haleine le boulot de ton ONG... j'espère qu'en 4 mois t'auras le temps de voir un peu l'évolution des choses, mais c'est tellement court au final! En tout cas, ça a l'air super intéressant. Et t'as l'air de te sentir comme un poisson-jo dans l'eau délice =D
    Chanceuse! Fofo

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  2. Hello Ma Grande ( comment dit-on en indien ?) ,
    j'ai vu ton nid ! BIIIIIIEN ! "curieusement" c'est votre chambre qui apparait sur tes photos la pièce la plus finie, la plus douillette, la plus accueillante du coup ! ;-)
    Pour ton stage, une fois que tu auras une vue d'ensemble de l'ONG, ce que tu peux faire puisque tu n'as que 4 mois, c'est de "tirer" un fil du maillage de la vue d'ensemble, et ce fil que tu vas dérouler, tu le proposes comme ton projet de stage. Tu vois ce que je veux dire ? Cela te permet de t'approprier un sujet, d'être "dedans" de ton ONG et de laisser des traces intéressantes de ton passage! , non ? qu'est-ce que tu en penses ?
    Quant au côté "maison" de l'Inde, "le chez soi" et le côté affectif...cherche un peu, ce n'est quand même pas entièrement par hasard qu'au départ tu aies choisi l'Inde, non ?
    Bisous - VVO

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  3. Super intéressant. C'est bien écrit et ça donne envie d'en savoir plus. je vote pour l'article "plus concret" :)

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  4. Vraiment intéressant comme taff, tu pourras à l'avenir nous décrire plus précisément le boulot concret que vous mettez en place?
    Si notamment t'as plus d'infos sur la manière autarcique dont fonctionnent les quartiers, je suis preneur.
    J'ai hâte de lire la suite!

    Etienne.

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